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Interview 08 avril 2021, 17:05

Bertrand Reuzeau : "Notre priorité à l'Academy, c'est les joueurs"

Bertrand Reuzeau : "Notre priorité à l'Academy, c'est les joueurs"
Alors que la FFF a annoncé fin mars l'arrêt définitif des compétitions amateurs, mettant ainsi un terme à la saison des équipes U17 et U19 de l'Academy, une décision est toujours en suspend concernant la N2. Dans ce contexte difficile depuis un an maintenant, le Directeur du centre de formation de l'AS Monaco nous explique comment le Club tente de s'adapter pour préserver les joueurs. Entretien.

Ils étaient privés de compétition depuis le 1er novembre dernier. Il y a deux semaines, les jeunes des équipes U17 et U19 de l’AS Monaco ont pris connaissance de la décision de la Fédération Française de Football de mettre un terme définitif aux compétitions amateurs, et donc à leur saison. Un couperet qui devrait sans doute être le même pour les joueurs de la N2, toujours suspendus à une annonce officielle. C’est dans ce contexte difficile et d’incertitude permanente depuis plus d’un an maintenant, que le Directeur du centre de formation, Bertrand Reuzeau, a pris le temps de nous expliquer comment l’Academy tente de s’adapter aux circonstances actuelles. Rencontre.

Bonjour Bertrand. La FFF a annoncé l’arrêt des championnats amateurs, ce qui concerne pour le moment les U17 et U19 de l’AS Monaco, en attendant probablement la même décision concernant la N2. Comment gérez-vous cette nouvelle période difficile ?

Disons qu’il y a une instabilité à l’heure actuelle, mais qui dure déjà depuis pas mal de temps maintenant. Avec une reprise à la rentrée dernière, puis de nouveau un arrêt au mois d’octobre (les championnats amateurs sont stoppés depuis le 1er novembre dernier, ndlr). Plus récemment il y a eu des annonces pour reprendre, puis annuler ou même reporter. C’est vrai que c’est assez compliqué à gérer, même si on vient donc d’avoir la décision concernant l’arrêt définitif des compétitions pour les U17 et les U19.

Nous sommes toujours en attente concernant la N2, mais la décision devrait probablement aller dans le même sens. Notre priorité en tout cas, c’est de penser aux joueurs. Il faut mettre tout en place pour que le jeune soit le moins frustré possible, et qu’il soit dans de bonnes dispositions au niveau psychologique, parce que ce n’est pas évident. Ce sont des compétiteurs, ils vivent avec la compétition, et donc là vous leur enlevez l’essence même de leur présence ici à l’Academy. Le Club a donc mis en place les ressources nécessaires pour que chacun soit le moins perdant possible.

Est-ce l’occasion aussi pour vous de travailler différemment ?

Oui, c’est effectivement une opportunité pour nous d’effectuer un changement d’approche au niveau des entraînements. On a modifié pas mal de choses, en individualisant beaucoup les exercices pendant une période, afin de combler quelques lacunes existantes chez certains, notamment sur le plan physique. Pour d’autres cela peut-être davantage du travail technique ou tactique. Mais le but est que nous prenions notre temps, de bien décortiquer et suivre les développements et les évolutions au niveau technologique aussi, avec des outils comme les GPS. Cela nous a vraiment permis de prendre le temps, que l’on n’a pas toujours lorsque la compétition arrive tous les week-ends, de développer les jeunes joueurs sur des cycles assez longs.

Cela fait un an maintenant que la situation est instable. Comment l’Academy s’est-elle adaptée, et comment avez-vous vécu cette période ?

Nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter, car encore une fois nous avons la responsabilité d’encadrer des jeunes, et la priorité est avant tout leur bien-être, je le répète. C’est une importance capitale pour le Club et la Direction. La situation est inédite pour tout le monde. Mais nous sommes dans un club qui a vraiment une volonté de veiller à la formation et au bien-être des jeunes joueurs depuis longtemps. On le voit à travers son projet sur le plan social, éducatif et scolaire. C’est quelque chose qui est ancré depuis très longtemps au Club. On le voit à travers les vidéos d’Academy Project notamment, qui montrent bien les actions qui sont faites ici.

Et puis encore une fois, cette période nous a permis de nous renouveler, par exemple avec le logiciel MyCoach Pro, que nous avons vraiment pris le temps de développer dans certains domaines. Il nous aide à être beaucoup plus pointus sur ce que les coachs veulent avoir à disposition en termes de datas et de vidéos, pour pouvoir travailler. C’était donc l’occasion d’avoir une bonne remise en question de notre manière de fonctionner, d’avoir une approche différente. C’est important car parfois quand vous êtes dans le rythme de la compétition, involontairement vous vous éloignez du projet individuel du joueur. Notre priorité doit rester le jeune, son bien-être et son épanouissement.

Vous avez pris possession du nouveau bâtiment de la Diagonale à la rentrée dernière. N’était-ce pas finalement le meilleur moment pour vous d’y accueillir les jeunes de l’Academy, justement dans une période difficile ?

Je pense que par rapport aux évènements qui sont arrivés, notre chance est effectivement d’avoir cette structure, cet outil extraordinaire qu’est la Diagonale. D’abord parce que nous sommes dans un immeuble très moderne, donc c’est quand même agréable lorsque l’on est confinés au quotidien, de pouvoir bénéficier de telles infrastructures et d’être bien installés. C’est une vraie bouffée d’oxygène. Et puis ce bâtiment nous a aussi permis de recentrer toutes les activités et de remettre tout le monde, toutes les ressources sur place. C’est un facteur qui nous a permis de limiter au maximum l’impact de la période sur nos jeunes.

Vous parliez du suivi psychologique des joueurs. Là aussi, vous pouvez répondre aux exigences du contexte actuel…

C’est vrai que nous avons la chance d’avoir deux docteurs au sein de l’Academy, deux psychologues à la disposition des jeunes, et un service médical avec des kinés. Et puis on a quand même des préparateurs physiques et des staffs qui sont très étoffés. La Direction du Club a souhaité effectivement qu’il y ait un encadrement de haut niveau pour l’Academy. On a aussi un service vidéo qui nous permet d’aller plus loin, comme je le disais précédemment, dans la réflexion sur le développement des joueurs sur le plan individuel. Donc toutes ces ressources nous ont permis de passer cette période difficile de la meilleure manière possible.

Comment les sentez-vous justement ?

Ce n’est pas évident, je pense qu’ils ont des hauts et des bas. Ils sont très frustrés de ne pas pouvoir jouer en compétition. Donc mon souhait, et ce que j’ai demandé aux entraîneurs, c’est de mettre en place des matchs amicaux assez fréquents, au pire tous les quinze jours, pour qu’ils puissent quand même se confronter à d’autres centres de formation. La N2 a joué Nîmes il y a dix jours, ils vont jouer Saint-Etienne dans une semaine. On a un match des U19 contre Nice qui va arriver prochainement, ainsi qu’à Nîmes également avec les U17, qui eux joueront bientôt à Montpellier. Donc on essaye d’organiser régulièrement des rencontres amicales pour les garder encore frais psychologiquement et qu’ils conservent un peu de peps malgré tout.

Il y a quand même des aspects positifs actuellement. Il y a beaucoup de sélectionnés dans les équipes de France de jeunes et mêmes étrangères. On imagine que c’est une fierté pour vous ?

Évidemment, c’est une fierté pour moi mais avant tout pour le Club. Donc ça fait plaisir, même s’il ne faut pas se tromper : être en équipe de France en U16 ou en U17, ça n’est pas une garantie d’être professionnel à l’AS Monaco. Il y a quelques joueurs qui sont passés à travers les sélections et qui ont fait de grandes carrières derrière, j’en connais pas mal. Mais c’est vrai que c’est toujours bien d’avoir ce lien entre le club et les sélections nationales.

D’abord parce que cela veut dire qu’il y a des profils intéressants et puis pour le prestige du Club c’est important. Quand vous êtes sélectionné en équipe de France, cela veut quand même dire que vous êtes dans les 30 meilleurs de votre génération, et que donc on ne s’est pas trop trompé au niveau du recrutement. Ça montre qu’à Monaco, on a une politique de groupes d’entraînement avec peu de joueurs, mais qui ont tous des profils intéressants pour atteindre le haut niveau.

Et c’est aussi une fierté pour eux évidemment…

Ah c’est certain. je peux vous dire que lorsqu’on les croise, ils connaissent mieux que nous les dates des rassemblements en sélection. Quand le sélectionneur va annoncer sa liste, ils sont à l’affût. Et c’est vrai que c’est une grosse fierté pour nous car je pense qu’ils sont très contents de porter le maillot tricolore ou des sélections étrangères. On fait donc tout pour qu’ils puissent se rendre en sélection dans de bonnes conditions, car ils sont très fiers de ça. Et puis c’est intéressant car ils se confrontent à des joueurs de très haut niveau, donc pour leur formation c’est toujours intéressant. Sans compter que c’est une source de motivation supplémentaire pour eux, car quand on est performants en match et en compétition quand il y en a, cela peut confirmer leur prochaine sélection. Donc c’est un vrai plus et une vraie fierté.

Cela fait partie de l’ADN de l’AS Monaco de mettre en avant sa formation…

J’ai des échanges réguliers avec Oleg Petrov et Paul Mitchell, et c’est vrai que c’est une réelle volonté du Club de mettre plus que jamais en avant la formation. Le but est de leur offrir un vrai projet sportif et un parcours au sein de l’Academy, qui puisse les amener vers l’équipe première, et que les meilleurs profils puissent arriver plus rapidement, avec l’aide du Cercle Bruges également, à l’image de Giulian Biancone. Pour pouvoir un jour jouer sur la pelouse du Stade Louis-II, comme le font aujourd’hui Benoît Badiashile, Chrislain Matsima, Eliot Matazo et Enzo Millot.

Justement, de voir les jeunes de l’Academy faire partie du groupe de Niko Kovac et connaître leurs premiers pas en Ligue 1, c’est là aussi une fierté pour vous ?

C’est une vraie fierté au niveau du Club et plus précisément pour le personnel de l’Academy, d’avoir ces jeunes qui sont déjà dans le groupe professionnel à l’entraînement. Parce qu’on parle quand même de l’AS Monaco, une équipe qui a l’ambition de jouer l’Europe, donc la barre est très haute. C’est bien d’avoir des jeunes issus du centre de formation qui fassent partie de ce projet. Et puis quand on les voit jouer et performer, pouvoir se mettre à niveau de ce monde professionnel et apprendre, pour nous ce n’est que du bonus. Déjà par rapport au travail qui est fait ici, mais aussi par rapport au message qu’on envoie aux jeunes qui sont encore à l’Academy.

Rise. Risk. Repeat.