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Interview 09 septembre 2023, 11:22

Weah, son quadruplé, la LDC 1994… Les souvenirs de Jürgen Klinsmann

Weah, son quadruplé, la LDC 1994… Les souvenirs de Jürgen Klinsmann
En marge du tirage au sort de la Ligue des Champions, l’ancien attaquant de l’AS Monaco, présent entre 1992 et 1994, s’est rendu à la Turbie pour visiter le Centre de Performance. Le temps pour lui d’évoquer ses souvenirs du Club.

Il est l’une des nombreuses légendes que l’AS Monaco a connues dans son histoire. Champion du Monde avec l’Allemagne en 1990 et deuxième du Ballon d’Or en 1995, Jürgen Klinsmann a porté les couleurs monégasques entre 1992 et 1994. Le temps pour lui de faire parler son incroyable science du but en marquant à 35 reprises pour 84 matchs disputés toutes compétitions confondues.

Membre de la première épopée européenne

Présent dans l’effectif de la première épopée européenne du Club, qui s’est terminée en demi-finale de Ligue des Champions en 1994, l’actuel sélectionneur de la Corée du Sud était à Monaco la semaine dernière pour le tirage au sort des phases de poules de la C1. Il en a alors profité pour se rendre à la Turbie, et découvrir le Centre de Performance pour la première fois.

Entre surprise et émerveillement, il a accepté de s’installer dans l’auditorium afin de réaliser une interview longue et pleine de sincérité pour évoquer ses souvenirs en rouge et blanc. Entretien. 🎙

Bonjour Jürgen. Quelle est la raison de votre venue au Centre de Performance ?

Je suis venu à Monaco pour le tirage de la Ligue des champions (l’interview a été réalisée le lendemain, ndlr.). À chaque fois que j’ai la possibilité de venir sur le Rocher, j’appelle Pierre-Jo pour venir et écouter les nouvelles de l’AS Monaco. Je suis content d’être là, et de pouvoir enfin voir le Centre de Performance, qui est absolument incroyable.

Le gros point fort, c’est aussi la Côte d’Azur, qui est l’un des endroits les plus beaux du monde, et tout particulièrement Monaco. C’est un privilège, et je suis content que les joueurs actuellement au Club vivent l’expérience de cet endroit si spécial. Les ambitions peuvent augmenter avec ça, comme gagner la Ligue des Champions, c’est un rêve, et il n’y a rien de mal à rêver !
Jürgen KlinsmannAncien joueur de l'AS Monaco entre 1992 et 1994

On vous sentait de plus en plus émerveillé au fur et à mesure que vous le découvriez…

J’ai déjà vu beaucoup de centres d’entraînement à travers le monde et je connais bien ceux de Premier League et de Bundesliga. Actuellement, j’entraîne également l’équipe nationale de Corée du Sud. Toute équipe cherche à construire quelque chose de spécial pour l’équipe, le club et évidemment les joueurs.

Le gros point fort, c’est aussi la Côte d’Azur, qui est l’un des endroits les plus beaux du monde, et tout particulièrement Monaco. C’est un privilège, et je suis content que les joueurs actuellement au Club vivent l’expérience de cet endroit si spécial. Les ambitions peuvent augmenter avec ça, comme gagner la Ligue des Champions, c’est un rêve, et il n’y a rien de mal à rêver !

J’imagine que ça doit vous changer par rapport à ce que vous avez connu ?

En effet, quand je compare ce que j’ai vu aujourd’hui par rapport à ce que c’était il y a 30 ans… (rires). L’AS Monaco a complètement transformé la Turbie : maintenant, le café de la machine est bon (rires). On n’avait qu’un terrain et demi à l’époque, alors voir ce bâtiment, c’est un rêve qui devient réalité pour tout joueur, entraîneur ou employé de l’AS Monaco.

Quand vous avez ça entre les mains, vous ne voulez que travailler pour donner le meilleur, et vous avez derrière les meilleurs soins, les meilleures machines et les meilleures installations possibles. Tout est fait pour donner le meilleur de soi-même, c’est pareil pour les coachs. Ils doivent se dire : « Vu tout ce qu’on met à ma disposition, je vais me donner à fond ».

Cela a certainement dû vous surprendre à l’époque, non ?

Oui car on se changeait dans un conteneur et je n’avais pas vu la Turbie avant de signer (rire). J’ai donc été quelque peu déçu les premiers jours, mais j’ai avancé et je m’y suis habitué. Je me suis bien entendu avec l’équipe, il y avait de grands joueurs, et beaucoup de respect mutuel. Ils m’ont montré tout ce qu’il y avait à voir dans les alentours, je n’ai que des souvenirs merveilleux.

Vous arrivez donc en 1992 pour remplacer George Weah, ça devait être une grande responsabilité de suivre les pas d’un futur Ballon d’Or ?

Alors il faut savoir que cela ne devait pas se passer comme ça (rires). Avant ma venue, j’ai parlé à Arsène Wenger, qui m’a expliqué qu’il voulait que je joue en attaque aux côtés de lui. « Je lui ai dit d’accord, je quitte l’Inter Milan, j’arrive ».

Le jour qui suit ma venue, George Weah va au Paris Saint-Germain, j’étais très énervé. Je suis arrivé à l’entraînement le lendemain et je suis allé le voir, je lui ai dit « Arsène, il faut qu’on parle » (rires). Je lui ai rappelé qu’il m’avait promis que j’allais jouer avec lui, pour qu’au final, il parte au PSG. S’il m’avait dit qu’il partait, je n’aurais sûrement pas signé.

Qu’est ce que l’AS Monaco signifie pour vous ?

J’ai été ici deux ans, entre 1992 et 1994, puis j’ai rejoint Tottenham, car la Premier League était devenue le plus grand championnat du monde à cette époque. Pour moi, dès les premiers instants, j’ai de suite pensé que c’était un endroit où je me sentirais comme chez moi.

Arsène Wenger a été un entraîneur fantastique, et mes coéquipiers, qui étaient sélectionnés en équipe nationale, étaient de jeunes joueurs très spéciaux, comme Emmanuel Petit, Lilian Thuram ou Youri Djorkaeff. J’ai ressenti une bonne énergie chez eux. Le Club m’a donné la chance de jouer le titre de champion de France, et la Ligue des Champions.

Justement, en 1994, l’AS Monaco atteint les demi-finales de cette compétition…

Oui c’est exact. Lors de ma deuxième saison, on a atteint le Final Four en Ligue des Champions, où nous perdons contre l’AC Milan. Mais je suis persuadé que l’on aurait pu être en finale, car si on avait joué le match à domicile, et non à l’extérieur, on aurait pu les battre (défaite 3-0, ndlr.).

À cette période, Milan était en effet incroyable. Cette équipe avait déjà gagné des Ligues des Champions avec des entraîneurs fantastiques. Pour moi, c'était plus difficile, car j'ai été un joueur de l’Inter avant mon passage à Monaco, entre 1989 et 1992. Les supporters m’insultaient dès que je touchais la balle mais je ne m’en occupais pas.
Jürgen KlinsmannAncien joueur de l'AS Monaco entre 1992 et 1994

Quel souvenir gardez-vous de ce match ?

Alors, je me souviens avoir provoqué l’expulsion de leur défenseur Alessandro Costacurta. Mais c’est surtout l’expérience engrangée par Emmanuel Petit, Youri Djorkaeff et Lilian Thuram, car ils avaient compris ce que c’était de jouer au très haut niveau, et quand vous jouez cette équipe à San Siro, c’est le cas.

À cette période, Milan était en effet incroyable. Cette équipe avait déjà gagné des Ligues des Champions avec des entraîneurs fantastiques. Pour moi, c’était plus difficile, car j’ai été un joueur de l’Inter avant mon passage à Monaco, entre 1989 et 1992. Les supporters m’insultaient dès que je touchais la balle mais je ne m’en occupais pas. J’étais convaincu qu’on aurait pu faire mieux, et atteindre la finale.

J’imagine que cela reste tout de même un grand moment pour vous puisqu’à l’époque, c’était le plus gros parcours de l’histoire du Club ?

C’était ma première participation en Ligue des Champions. A l’époque, il y avait deux groupes de quatre équipes et le gagnant d’une poule affrontait le second de l’autre à domicile, sur un seul match. Nous étions avec Barcelone, et avons terminé deuxièmes. On avait une équipe fantastique, mais personne ne le savait vraiment à ce moment-là. Je pense que si on avait terminé premier, on aurait pu la gagner, mais le Final Four était dur pour l’AS Monaco, alors on peut se sentir fier pour le club, et pour tout le monde.

Quand vous parlez d’équipe fantastique, à quels joueurs pensez-vous en particulier ?

Je parle par exemple de Youri Djorkaeff, Emmanuel Petit et Lilian Thuram qui sont devenus champions du Monde après. On a rapidement perçu le talent chez ces joueurs. On avait réellement des joueurs spéciaux au grand talent comme Claude Puel, Rui Barros, ou encore Luiz Henrique. C’était un jeune Brésilien avec une vitesse complètement folle.

Sur le côté gauche, on avait aussi Luc Sonor, ou Patrick Blondeau, l’enfant 100% Côte d’Azur (rires). On peut dire que l’on avait une équipe très solide, et une potentielle chance de gagner la Ligue des Champions. Et ce sentiment s’est davantage accentué lorsque vous les voyez inscrire leur nom en équipe nationale, et remporter une coupe du Monde.

Crédit Photo : Icon Sport
J’ai marqué quatre buts, je n’en pouvais plus d’attendre ce match, j’ai pris du plaisir sur le terrain. Je l’avais rendu fou, je me rappelle qu’il voulait arrêter le football après la rencontre, et je lui ai dit "non, arrête, ce n’est pas si grave, tu es un bon défenseur". Pour moi, c’était une satisfaction de marquer ces quatre buts.
Jürgen KlinsmannAncien joueur de l'AS Monaco entre 1992 et 1994

Un autre grand moment pour vous, c’est votre quadruplé contre Auxerre…

Je me souviens de ça, car je crois que mon deuxième match avait lieu à Auxerre. Leur défenseur central William Prunier, n’avait pas arrêté de faire des fautes sur moi, et ça m’avait vraiment énervé. Ils nous battent et je lui ai dit sur le terrain, sûrement en anglais ou en allemand « Tu vas voir quand tu vas venir à Monaco ». Il est venu, et on les a battus, c’était une très bonne équipe à cette époque.

J’ai marqué quatre buts, je n’en pouvais plus d’attendre ce match, j’ai pris du plaisir sur le terrain. Je l’avais rendu fou, je me rappelle qu’il voulait arrêter le football après la rencontre, et je lui ai dit « non, arrête, ce n’est pas si grave, tu es un bon défenseur ». Pour moi, c’était une satisfaction de marquer ces quatre buts. C’était mes débuts en Ligue 1, il m’avait embêté tout le match, et je n’ai jamais pu oublier.

Avez-vous gardé contact avec certains de vos coéquipiers ?

Avoir la chance de jouer pour l’AS Monaco, l’Inter Milan ou ce genre d’équipe, c’est le fait que j’ai eu la chance de rencontrer des personnes magnifiques et des coéquipiers merveilleux. Si je veux des conseils sur Monaco par exemple, j’appelle Gérald Passi, avec qui je suis toujours en contact, comme Patrick Blondeau, avec qui j’essaye de faire de mon mieux en français au téléphone, mais aussi Lilian Thuram, avec qui je parle italien.

Et quand j’ai la chance de revenir dans une équipe où j’ai joué, il y a beaucoup de sentiments et je me remémore les choses qui s’y sont passées. Mon meilleur souvenir que j’ai ici est d’ailleurs d’avoir pu côtoyer tous ces coéquipiers et de rire avec eux.

Un dernier mot pour les supporters monégasques qui ont lu cet interview ?

C’était un plaisir de venir ici et de visiter le nouveau centre d’entraînement à la Turbie. Je suis content et excité de voir ce qu’il va se passer ici, et je croise les doigts pour le Club et pour vous, en espérant que le rêve deviendra réalité et que vous gagnerez le titre de champion de France à nouveau, et que vous retournerez en Ligue des Champions.

Rise. Risk. Repeat.