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Médias 28 décembre 2020, 16:00

Éric Huet : "Glenn Hoddle était beau à voir jouer"

Éric Huet : "Glenn Hoddle était beau à voir jouer"
Ils vous font vivre les matchs comme si vous y étiez, spécialement durant cette période compliquée. Pendant les fêtes de fin d’année, asmonaco.com vous propose une série d’entretiens avec les commentateurs, animateurs, consultants et femmes/hommes bord terrain, qui ont des souvenirs marquants avec les Rouge et Blanc. Aujourd’hui, rencontre avec Éric Huet.

Sa voix ne peut pas vous être étrangère. Vous l’identifiez d’ailleurs certainement à la Premier League. Et pour cause, il l’a commenté dès 2007 sur Canal + avec Jean-Luc Arribart, avant de poursuivre le suivi du championnat anglais chez RMC Sport aux côtés d’Éric Di Meco. Avec l’ancien monégasque, il va également rythmer les rencontres de Ligue des Champions durant deux saisons.

Un enfant du titre de 1978

Passionné assumé et conteur magnifique de l’histoire de l’AS Monaco, il n’en oublie pas pour autant l’objectivité que requiert son métier lorsqu’il s’agit de commenter son équipe de cœur. Lui, c’est Éric Huet, tombé dedans quand les hommes de Lucien Leduc ramenaient le troisième titre de champion de France de l’histoire du club, en 1978. Un an après la remontée. Demandez-lui une date, un résultat, un buteur… Vous n’arriverez pas à le coller. Rencontre avec une encyclopédie du football, un passionné du beau jeu.

Quel est votre premier souvenir du Stade Louis-II ?

C’est avec l’ancien Stade Louis-II dans un premier temps. J’y suis allé lorsque j’avais 9-10 ans avec mes parents. Nous étions en vacances dans le sud et nous nous étions arrêtés devant. J’avais pris une photo devant, j’étais assis sur les marches avec le tableau d’affichage de l’ancien stade et devant l’entrée également. Je l’ai ensuite connu à la télévision, où je regardais les résumés de matchs, car on ne pouvait pas voir les rencontres en entier à l’époque. C’est ce souvenir qui me marque le plus.

Avez-vous des souvenirs particuliers dans la nouvelle enceinte ?

Oui, il y a notamment ce match où le tableau d’affichage indiquait un score de 30-0 face à Lens, au lieu de 3-0. J’ai aussi le souvenir du 9-0 face à Bordeaux, devant ma télé. Didier Roustan m’avait dit un jour qu’il y avait eu 14 tirs monégasques, dont neuf avaient fini au fond. Il n’y avait que 2-0 à la pause, face à un grand Bordeaux à l’époque, avec les Roche, Battiston, Tigana et Giresse. C’était un score incroyable. Tellement incroyable que le public sifflait car il voulait un dixième but ! Je me souviens aussi du match face à la Corogne en novembre 2003 en Ligue des Champions, qui a été propice aux attaquants avec un 8-3 à l’arrivée. Mais aussi la confrontation face au Real Madrid, que j’ai vécu devant ma télé également. Plus récemment, la saison 2016-2017 a été l’œuvre de scores assez larges. Seuls Guingamp et Lyon avaient ramené un nul et une victoire de Louis-II cette année-là. A deux matchs près, les Monégasques égalaient le record d’invincibilité à domicile de l’AS Saint Etienne dans les années 70 avec 19 matchs remportés à Geoffroy-Guichard.

D’où vient ce lien entre vous et l’AS Monaco ?

Quand j’ai commencé à jouer au foot à l’âge de 8-9 ans, j’ai demandé à mes parents de m’acheter un maillot. Nous sommes allés dans une boutique de sport et il y avait trois maillots, dont celui de l’AS Monaco. Je suis tombé amoureux de ce maillot avec le sponsor RMC et la Diagonale rouge et blanche. J’ai appris ensuite que c’était l’idée de la Princesse Grace. Cela rajoute une ligne romantique et historique à cette tunique emblématique.

Lorsque je commente, il n’y a aucun aspect émotionnel avec l’AS Monaco. Je reste très neutre et j’essaye de faire du mieux que je peux. En revanche à la fin du match de la descente en 2011, Philippe Jeannol était limite en train de me réconforter, j’étais très ému évidemment.
Éric HuetCommentateur

En tant que commentateur, des matchs vous ont-ils marqué ?

J’ai le souvenir d’un match où il tombait des trombes d’eau pour un Monaco-Montpellier, un samedi. Le match avait finalement été reporté. René Girard était l’entraîneur montpelliérain il me semble, et on se demandait si le match allait être joué. Les conditions climatiques étaient incroyables pour un 15 août. Le match s’était finalement joué plus tard, et avait donné un 0-0, si mes souvenirs sont bons.

Quels sont les moments forts que vous aves vécu avec les Rouge et Blanc ?

Oui. J’en ai trois en particulier. Le premier, c’est en 2011, l’année de la descente. Je commentais Monaco-Lens puis Monaco-Lyon avec Patrice Riou. Il avait commenté Lens, trois ou quatre jours avant. Il m’avait dit que c’était vraiment une équipe à la portée de Monaco vu la performance réalisée face à Bordeaux la même semaine. La rencontre avait très bien commencé d’ailleurs, avec un but de Benjamin Moukandjo. Puis on voyait les défenseurs monégasques envoyer de grands ballons devant, la panique s’installait petit à petit. On sentait bien que ça pouvait mal tourner. Il y avait quatre minutes de temps additionnel et on jouait la dernière minute du match. C’est Eduardo tire un corner, et Raphaël Varane surgit et propulse le ballon dans les buts monégasques. Lens était obligé de gagner pour se maintenir, et ils n’ont rien lâché en allant chercher ce match nul à Monaco, avant de gagner face à Montpellier ensuite.

De son côté, Monaco jouait Lyon, qui était d’ailleurs entraîné par Claude Puel, et les Lyonnais avaient besoin d’une victoire pour être en Ligue des Champions. J’avais commenté le match pour Canal+ Sport à l’époque. La première période était assez équilibrée, il manquait juste un but. Puis les Lyonnais ont marqué deux fois de suite, éteignant tout suspense. Lorsque je commente, il n’y a aucun aspect émotionnel avec l’AS Monaco. Je reste très neutre et j’essaye de faire du mieux que je peux. En revanche à la fin du match, Philippe Jeannol était limite en train de me réconforter, j’étais très ému évidemment.

Le deuxième était peut-être plus positif ?

Effectivement. Il est plus récent d’ailleurs, puisqu’il s’agit du premier triplé de Kylian Mbappé contre Rennes en Coupe de la Ligue. C’était en décembre 2016. Leonardo Jardim avait fait tourner mais sans plus, il y avait encore une équipe très compétitive. En face, Rennes avait fait un vrai turnover, c’était assez inattendu. Ça part très vite en faveur de Monaco avec une ouverture du score très rapide, puis Mbappé finit par réaliser un triplé. Quand on commente ensemble son premier but après le match, je lui dis que c’est un but à la Thierry Henry, puis je rectifie très vite : « Non en fait, c’est un but à la Mbappé ! ». Ça l’avait fait rire. J’étais content de ma petite phrase. Tout le monde disait ça quand il partait de son couloir gauche avant de repiquer dans l’axe et d’enrouler du pied droit. Il avait très peu marqué jusqu’alors, mais on voyait qu’il avait des similitudes dans son jeu avec Thierry Henry, notamment au niveau de la vitesse et de la finition. Je me souviens de lui avoir demandé où il allait placer le ballon du match une fois rentré chez lui aussi. Je garde donc un souvenir très précis de ce match, avec ce score de 7-0. Après ce premier triplé, Kylian Mbappé a crevé l’écran très rapidement.

À la toute fin du temps additionnel, Park Chu-Young marque pour l’AS Monaco. Guy Lacombe exulte, il avait les yeux pétillants, il venait sûrement de s’offrir un sursis. Puis le réalisateur montre les tribunes. On voyait S.A.S. le Prince Albert II, Michel Aubery et Etienne Franzi, qui étaient en train de se concerter afin de décider du futur de l'entraîneur.
Éric HuetCommentateur

Et le troisième ?

Le troisième et dernier souvenir, c’était il y a 10 ans quasiment jour pour jour. C’était un Monaco-Sochaux. Je commentais le match pour un résumé de l’émission Jour de Foot. C’était d’ailleurs surtout l’après-match qui m’a marqué. De mémoire, c’était une période compliquée pour Guy Lacombe avec six matchs sans gagner. Monaco ouvre le score grâce à Chris Malonga au bout de dix minutes, puis Sochaux égalise avec un but contre son camp d’un monégasque. À la toute fin du temps additionnel, Park Chu-Young marque pour l’AS Monaco. Guy Lacombe exulte, il avait les yeux pétillants, il venait sûrement de s’offrir un sursis. Puis le réalisateur montre les tribunes. On voyait S.A.S. le Prince Albert II, Michel Aubery et Etienne Franzi, qui étaient en train de se concerter afin de décider du futur de l’entraîneur. Car pendant de longues minutes l’AS Monaco se dirigeait vers un autre match sans victoire. Finalement, ils décident de le garder. C’était une situation très bizarre. D’autant qu’en janvier au retour de la trêve, l’AS Monaco est éliminé en 32èmes de finale de Coupe de France face à Chambéry. Cette fois-là, Guy Lacombe ne résistera pas.

Est-ce qu’un joueur monégasque vous a marqué en particulier ?

C’est très simple, je pense directement à Glenn Hoddle. Il arrive en 1987 sous l’ère Arsène Wenger. Il devient très vite le maestro, le créateur, le numéro 10 de l’équipe. Il était capable de jouer sur une jambe. Je me rappelle qu’il était rentré avec un énorme bandage à un genou face à Galatasaray. Ça ne l’empêchait pas de délivrer des passes millimétrées. C’est selon moi le joueur qui a permis à l’AS Monaco de modifier son jeu lors de cette saison-là. Il débarquait de Tottenham, accompagné de Mark Hateley qui venait lui de l’AC Milan. Ils formaient une jolie doublette anglaise. Ils s’entendaient à merveille. Glenn Hoddle était beau à voir jouer, c’était un régal techniquement. Il illuminait une partie.

D’autres vous ont-ils marqué ensuite ?

Il y en a beaucoup d’autres. J’ai beaucoup aimé Fernando Morientes, vraiment. Il n’a fait qu’une saison à l’AS Monaco, mais elle était extraordinaire. Si le club fait ce parcours en Ligue des Champions en 2004, c’est en partie grâce à son réalisme. Je le mettrais également sur mon podium. Et puis en troisième, impossible de ne pas penser à Jean-Luc Ettori. Je me prenais pour lui quand j’étais dans les cages étant plus jeune. Il a été très malheureux à la Coupe du Monde 1982 puis il a prouvé ensuite que c’était un excellent gardien, notamment sur sa ligne. C’est une légende du club.

Hoddle, Morientes, les symboles d’équipes qui ont toujours très bien joué au football…

C’est exactement ça, c’est dans l’ADN du club. Ça part de Lucien Leduc, qui a été le premier entraîneur à ramener des trophées dans les années 60, avant de revenir à la fin des années 70. Le jeu qu’il pratiquait était un jeu très offensif et très séduisant. Les admirateurs qui étaient fans de foot en 1980 vous diront que l’AS Monaco et Nantes étaient de très belles équipes, avec de la créativité. Avec Jean Petit dans les années 70, Glenn Hoddle à la fin des années 80, plus récemment Marcelo Gallardo dans les années 2000, il y a eu beaucoup de beaux joueurs. Il y avait des corrélations avec des joueurs et des schémas tactiques, avec les 4-4-2 de Didier Deschamps en 2004 et de Leonardo Jardim en 2017, avec un excellent Bernardo Silva. C’était des équipes qui fonctionnaient avec des paires très fortes sur les côtés. Il y avait un mix de joueurs de très grande qualité et des jeunes, qui se tiraient vers le haut. Il y avait plusieurs forces au sein d’une seule et même équipe.

Rise. Risk. Repeat.